La License Semence Libre et la question des OGM

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La License Semence Libre protège les semences de la privatisation. Peut-elle aussi freiner le recours au génie génétique dans la sélection de nouvelles variétés? | Mars 2021 | Johannes Kotschi

La Licence Semence Libre protège les semences comme communs et offre une alternative à la privatisation et à la concentration des acteurs sur le marché des semences. On nous demande souvent si la Licence peut aussi protéger contre les modifications génétiques. Notre réponse est « oui » et voici notre démonstration.

Le génie génétique – un ensemble de technologies en évolution permanente

Ce que l’on appelle « le génie génétique (GG) dans la sélection végétale » recouvre de nombreuses technologies différentes les unes des autres, et de nouvelles émergent régulièrement. Le terme de GG ne peut ainsi pas être précisément défini et encadré par la loi une fois pour toutes. Seulement certaines de ces technologies tombent sous le cadre légal du GG. C’est le cas, par décision de la Cour Européenne de Justice, des méthodes CRISPR-Cas qui font beaucoup parler d’elles ces derniers temps.

Un autre obstacle de taille à la régulation par la loi est le fait que les méthodes du GG actuellement en développement cherchent à supprimer les résidus, autrement dit à rendre indétectables les modifications génétiques les soustrayant de facto à toute poursuite légale en cas de suspicion d’irrégularité. Dans une certaine mesure cela est déjà le cas.

La Licence Libre – Un contrat durable

La Licence Semence Libre prévient la privatisation en interdisant l’appropriation de la semence qui opère grâce à l’imposition de droits exclusifs de propriété intellectuelle tels que les brevets ou les certificats d’obtention végétale. Cependant la Licence n’interdit l’utilisation d’aucune technique de sélection, qu’il y ait recours au génie génétique ou à une technique de sélection traditionnelle ou à une technique encore inconnue aujourd’hui. Et cela pour une bonne raison. Comme les méthodes de GG sont en évolution permanente, une Licence qui « interdirait le génie génétique » devrait être constamment mise à jour. Mais cela n’aurait aucun sens car avec sa clause « copyleft » –c’est-à-dire le transfert des clauses de la Licence aux génération successives de semences – la Licence Semence Libre est diffusée pour être pérenne dans le temps. Avec ce mécanisme, la Licence crée un commun durable et ne peut être modifiée à chaque fois qu’une nouvelle méthode de génie génétique arrive sur le marché.

La Licence Libre – un levier indirect de protection

Cependant, la Licence protège de facto du génie génétique. Tous les procédés de GG, y compris CRISPR-Cas, sont gourmands en temps et requièrent des investissements comparativement élevés dans la sélection végétale. Si leurs promoteurs répètent à l’envi que ces méthodes sont simples d’utilisation et bon marché, c’est à notre connaissance tout simplement faux.

Ainsi, dans le cas où l’édition du génome par la combinaison de plusieurs caractéristiques individuelles d’une plante serait un succès, le processus classique de sélection devrait alors être l’étape suivante afin d’assurer la sélection d’une variété aux performances élevées. La sélection variétale restant ainsi un processus long. De plus, des coûts élevés seront impliqués par les processus d’autorisation et d’homologation pour la mise sur le marché, de l’ordre de deux à trois millions d’Euros... Économiquement, cela ne peut se justifier que par l’apposition d’un brevet, ce qui est exclu par la Licence Semence Libre. CQFD.

La Licence Libre empêche ce que la communauté ne soutient pas

En d’autres termes, tant que la majorité du public rejette les modifications génétiques, ce type de sélection végétale ne recevra pas de financements publics et il n’y aura que très peu d’incitation au développement de variétés à la fois libres et génétiquement modifiées. De plus, cela serait une utilisation bien peu efficace des deniers publics alors que le budget nécessaire à l’homologation d’une seule variété génétiquement modifiée pourrait financer un grand nombre de variétés sélectionnées de manière classique, une stratégie autrement plus utiles à l’agriculture.

Ainsi, notre réponse est la suivante : la Licence Semence Libre n’interdit pas le génie génétique de jure mais l’empêche de facto. Nous considérons alors la Licence comme étant un bon mécanisme de protection et, à notre connaissance, sans équivalent.

Voici le texte à télécharger: La License Semence Libre et la question des OGM (PDF)